C’était il y a presque trente ans
Noël 1994. Hospitalisé à Martigues, je découvre pour la première fois l’univers hospitalier, un univers essentiellement féminin, avec ses rites, son personnel complice et solidaire, parfois un peu las, mais toujours disponible. Chacun, chacune, dans son domaine, s’affaire et garde un regard bienveillant, si ce n’est empathique, sur le patient — qui ne l'est pas toujours.
J’étais, à cette époque, correspondant du quotidien Le Provençal (à présent La Provence). Impressionné – pour ne pas dire ému – par tout ce petit monde qui m’avait entouré, j’avais écrit un article afin de témoigner ou plutôt, afin de donner la parole à toutes ces femmes qui, chacune dans leur domaine, participent à leur façon au combat pour la dignité humaine.
A la relecture de cet article, j’ai réalisé, presque trente après, combien le SIDA avait suscité de drames, dans la jeunesse presque exclusivement (des drames aujourd’hui moins visibles et moins nombreux mais toujours existants).
Ce qu'elles disaient…
“Elle aussi, avoue que les jeunes malades du SIDA l'ont transformée: “on est obligé de s’investir. On ne peut éviter de prendre ces jeunes en affection”.
“On comprend alors que tous les membres du personnel, aussi bien soignant que de service, puissent s'attacher à ces patients, jeunes le plus souvent, et qui ressemblent tellement à ceux de leur entourage. “Alors, quand la maladie impose sa dure loi, il arrive que l'on "craque" : on ne peut plus rentrer dans une chambre. C'est alors qu'un autre membre de l'équipe prend le relais…”
“Les malades vous suivent à la maison.”
“Comment oser perdre espoir, en effet, lorsqu'on est témoin du courage d'un père ou d'une mère qui assiste jusqu'au bout son enfant avec l'énergie du désespoir”
Et aujourd’hui la pandémie du COVID…
Cet article, que j’avais oublié, est malheureusement toujours d’actualité. Les nouvelles soignantes tiennent, presque trente ans après, le même discours que leurs aînées, expriment le même malaise, font preuve du même courage. Sans doute, témoigneront-elles plutôt en cette période de COVID, de la douleur d’un fils ou d’une fille qui ne peut assister jusqu’au bout un parent ou un grand-parent. Les victimes ne sont plus de la même génération mais les problèmes de celles qui les soignent n’ont pas changé.
Une piqûre de rappel
C’est en attendant de me faire vacciner, observant autour de moi toutes ces femmes en blouse blanche portant chacune un plateau sur lequel gisaient des seringues habilitées à piquer des bras gauches, que je me suis souvenu… Oui, je me suis rappelé… l'hôpital… cet univers féminin.
Cette première piqûre fut donc pour moi, paradoxalement, une piqûre de "rappel".